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Approcher la base de données

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La base de données comme forme culturelle (L. Manovich)

En 2001, Lev Manovich publie The Language of New Media. Il y développe une analyse détaillée des formes culturelles propres aux Nouveaux Médias, parmi lesquelles il cite la base de données comme étant la moitié de l'ontologie du monde selon l'ordinateur. L'autre moitié étant occupée par l'algorithme. Il y définit la base de données comme suit:

Ensemble structuré de données qui sont organisées de manière à permettre une recherche et une récupération rapide au moyen d'un ordinateur.[...] Par conséquent, c'est tout sauf une simple collection d'informations. Selon les types de bases (hiérarchiques, en réseau, relationnelles et orientées objet), on utilisera différents modèles pour les organiser. L. Manovitch, Le language des nouveaux médias, les presses du réel, p.394

On voit qu'il est question de modèles d'organisation de l'information. De manière de structurer l'information, d'architecturer l'information. Il cite différents modèles existants en informatique. Mais très rapidement, il applique cette définition à la quasi totalité des "objets néomédiatiques":

Ces modèles de bases de données extrêmement structurés ne sont pas nécessairement utilisés dans les objets néomédiatiques. Du point de vue de l'expérience de l'utilisateur, ces objets sont pour une large part des bases de données au sens le plus élémentaire du terme. Ils se présentent comme des ensembles d'informations sur lesquelles diverses opérations comme visionner, naviguer ou rechercher sont possibles. p.394

Pour arriver à cette conception de la base de données comme forme culturelle, comme forme symbolique;

Une manière nouvelle de structurer l'expérience que nous avons de nous-mêmes et du monde.

Base de données / algorithme / récit

À partir de cette conception de la base de données comme forme intrinsèque aux objets néomédiatiques, il va préciser plusieurs points:

  • Une tension entre algorithme et base de données, le premier ayant toujours besoin d'une structure de données pour être opérant.

Les structures de données et les algorithmes constituent ensemble les deux moitiés de l'ontologie du monde selon l'ordinateur. [...] p.400

Il pourrait sembler à première vue que les données sont passives et que les algorithmes sont actifs.[...] La dichotomie passif/actif n'est cependant pas tout à fait précise, car les données n'existent pas d'elles-mêmes: il faut les produire p.401

  • Et il va opposer la base de données au récit.

Le fait que le web soit un médium ouvert (les pages sont des fichiers informatiques qui peuvent toujours faire l'objet d'un montage) signifie que les sites qu'il contient n'ont pas à être complets; et ils le sont rarement. Ils ne cessent de croître, de se développer. De nouveaux liens viennent constamment grossir ce qui est déjà là. Il est aussi facile d'ajouter de nouveaux éléments à la fin d'une liste que de les insérer n'impoorte où à l'intérieur. Tout cela ne fait que contribuer davantage à la logique antinarrative du Web. L'ajout de nouveaux éléments au fil du temps aboutit à un agrégat et non à une histoire. En effet, comment étayer un récit cohérent ou tout autre trajectoire évolutiove avec un matériau qui change constamment? p.397

En tant que forme culturelle, la base de données représente le monde comme une liste d'éléments qu'elle refuse d'ordonner. Le récit, en revanche, crée des rapports de cause à effet entre des élément (événements) non ordonnés en apparence. La base de données et le récit sont donc des ennemis naturels.[...] chacun revendiquant le droit exclusif de donner un sens au monde p.403

L'"utilisateur" d'un récit traverse une base de données en suivant les liens entre ses documents tels que les a définiés son créateur. On peut donc comprendre le récit interractif [...] comme la somme de trajectoires multiples au travers d'une base de données. La narration linéaire traditionnelle n'est qu'une trajectoire parmi d'autres.

[...][cela] ne signifie pas qu'une suite arbitraire de documents d'une base de données constitue un récit. Pour être qualifié de narratif, un objet culturel doit répondre à un certain nombre de critères que la théoricienne de la littérature Mieke Bal définit ainsi: on devrait pouvoir y trouver à la fois un acteur et un narrateur ainsi que trois niveaux distincts composés du texte, de l'histoire et du récit; et ses éléments devraient constituer "une série d'événements logiquement reliés entre eux, et causés ou subis par les acteurs." [...] On croit aussi à tort [...] que c'est en créant son propre chemin [...] que l'utilisateur construit un récit unique et qui lui est propre. S'il se contente d'accéder à divers éléments l'un après l'autre au hasard, comme c'est généralement le cas, il n'y a aucune raison de supposer que ces éléments constituent le moindre récit.

Sur le plan matériel, le récit n'est qu'un ensemble de liens; les éléments eux-mêmes demeurent stockés dans la base de données. Celle-ci a donc une existence matérielle, alors que le récit est virtuel.

Cette opposition est remise en question par Katherine Hayles. Elle va tenter de déterminer les spécificités des deux formes culturelles et détailler leur relation:

Loin d'être des ennemis naturels, le récit et la base de données peuvent être envisagés de manière plus pertinente comme des symbiotes naturels. [...] Parce que la base de données est capable de construire des juxtapositions relationnelles, mais pas de les interpréter ou de les expliquer, elle a besoin du récit pour donner du sens à ses résultats Lire et penser en milieux numériques, ellug, 2016, p. 281

L'indétermination - que les bases de données ont du mal à tolérer - indique une autre différence entre le récit et la base de données. Le récit fait signe vers l'inexplicable, l'indicible, l'ineffable, alors que la base de données repose sur l'énumération, exigeant la formumlation explicite des attributs et des valeurs de données. Katherine Hayles, Lire et penser en milieux numériques, ellug, 2016, p. 281

Liée à l'ordre linéaire du langage par la syntaxe, la narration est une technologie temporelle, comme le démontrent les syncopes complexes entre récit et histoire.[...] Les ensembles de données et les bases de données, en revanche, se prêtent volontiers à la représentation visuelle de l'espace. Katherine Hayles, Lire et penser en milieux numériques, ellug, 2016, p. 281

Base de données et représentation du monde

Constituer une base de données implique toujours des hypothèses sur la façon de configurer les catégories pertinentes et ces dernières peuvent avoir à leur tour des implications idéologiques. Katherine Hayles, Lire et penser en milieux numériques, ellug, 2016, p. 286

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